laïcité vs Islam

Publié le par Thibault GHEYSENS

Candidate voilée sur les listes des Trotskystes, "malbouffe hallal" soutenue par des écolos... L'islam pose aujourd'hui question à une gauche qui historiquement s'est construit sur la mise à distance du religieux.

Théorisée en 1994, dans un article parue dans la revue international socialism, par Chris Harman, et qu'on pourrait résumer à l'affirmation : “ avec les islamistes parfois, avec l’Etat jamais ”, l'alliance entre les islamistes et une partie de la gauche a contribué à entretenir la confusion qui associe le laïque à l'islamphobe.

Ce texte propose ici de clarifier la relation entre islam et laïcité du point de vue de l'éocologie poltique.

Opposer laïcité et Islam, c'est faire un détour dans le débat qui est hasardeux et dangereux et qui n'est pas sans conséquence sur le combat que mène l'écologie politique.



Hasardeux parce que la laïcité s'est imposée historiquement contre l'Eglise catholique qui entendait contrôler la société.
"Le cléricalisme, voilà l'ennemi" avait dit Gambetta en 1877. La loi de 1905 vient en quelque sorte couronner le mouvement historique de sécularisation des sociétés européennes, initié sous la Renaissance, et amplifié par la révolution française, qui vise à substituer à des sujets soumis au roi et à Dieu, des citoyens libres et égaux en droit et en dignité.

Dans les faits, il s'agissait aussi, pour imposer définitivement la IIIéme République contre ses opposants, d'écarter les organisations favorables au retour de l'ordre ancien, dont les écoles religieuses, outils de formation et du contrôle des esprits. La loi de 1905 vient en clôture d'un cycle de lois qui ont créé l'école laïque, gratuite et obligatoire.

On voit que la "guerre scolaire" est toujours un sujet sensible qu'on mesure au nombre de démission des ministres de l'éducation nationale (avec entre autre les manifestations de 1984 pour l'école privée en parallèle de la montée du FN).

Ainsi, je pense que tout ce qui concerne l'école laïque touche, de près ou de loin, dans notre imaginaire collectif, à des questions anciennes et profondes, qui peuvent plonger parfois leurs racines, jusqu'aux époques qui ont divisé l'Europe au moment de la Réforme, avec son lot de massacres et de guerres.

Issue des migrations économiques des "trentes glorieuses", la religion musulmane se greffe à ce contexte historique à l'imaginaire complexe et profond, dont elle est, en partie, éloignée. Les malentendus et la difficulté à se comprendre peuvent venir de là, et notamment quand les attentes portent sur l'école publique, y compris la cantine.


Dangereux, car cette position s'inscrit dans un mouvement plus large de remise en cause de la laïcité.

D'abord, le président de la république trace les contours d'une conception de la laïcité, pour le moins douteuse, quand il prétend que le prêtre est supérieur à l'instituteur. Jean Boulègue affirme que les religions "n'ont pas renoncé à exercer une emprise sur la société", et note que, dans la droite ligne de dernière la conférence de l'ONU sur les droits de l"homme avec la question du blasphème, «De 1984 à 2009, pas moins de vingt procès ont été intentés, devant les tribunaux de la France laïque, pour injure ou diffamation envers une religion, rappelle-t-il. Dans dix-huit cas il s’agissait du catholicisme, dans les deux autres de l’islam http://www.liberation.fr/societe/0101620403-l-outrage-fait-a-la-laicite


Ensuite, le FN, utilise à contre emploi la laïcité pour l'opposer systématiquement à l'Islam. L'immigré  (juif, flamand, polonais, italien, sénégalais ou arabe) est son fond de commerce. La laïcité n'est plus que l'instrument d'une politique opportuniste qui pour le moment sert sa cause face à l'islam. C'est vrai aussi du MNR qui, lui, se revendique ouvertement anti musulman.
L'extrême droite, en stigmatisant le musulman au nom de la laïcité, finit par associer tous les laïques à des islamophobes.

Le jeu se joue alors entre extrémistes, qui se renvoient la balle, et se font exister l'un l'autre, au détriment de la laicité. La conséquence en est un détournement et un affaiblissement du concept dans une société qui se fragmente, et où la question du vivre ensemble se pose (le médiateur de la république, Delevoye, pense même que la présidentielle de 2012 se jouera sur ce terrain).



quels liens avec l'écologie politique ?

La sécularisation de la société permet l'émergence du citoyen, à travers la reconnaissance de la supériorité de la parole des hommes sur celle de dieu (ou de ses clercs).

La laïcité, c'est reconnaitre aux hommes la maitrise de l'espace du politique.
C'est une idée simple et assez ancienne qu'avaient déjà eu les philosophes athéniens il y a 2500 ans et qui peut se résumer avec la formule "tout pouvoir vient des hommes", qui s'oppose à celle des penseurs chrétiens du moyen âge "tout pouvoir vient de Dieu".

Si tout pouvoir vient encore de Dieu, alors la question des OGM se résume à celle de la pureté et de l'impureté, seuls critères reconnus par les textes sacrés, en tout cas bien loin des enjeux réels. C'est d'ailleurs essentiellement en ces termes que se prononcent les religions quand la question leur a été posée (Pour une gestion éthique des OGM, décembre 2003, Commission de l’éthique de la science et de la technologie, Québec)


La qualité de l'espace public dépend fortement de la mise à distance de la croyance.
Le citoyen peut alors devenir acteur de l'action politique.

Le citoyen, c'est l'habitant qui, s'intéresse à la chose publique.
C'est l'habitant qui, dans une réunion publique sur les dos d'ânes (tous en veulent pour ralentir la vitesse des autres voitures et gagner en sécurité, mais pas devant chez eux, pour le bruit, et pas sur leurs parcours...), change sa vision et son comportement, par les échanges collectifs avec d'autres habitants, au nom de l'intérêt général.

Le citoyen, c'est l'habitant qui se déplace pour voter à un référendum de quartier pour la conservation du canal de Tourcoing (à près de 90%), contre l'avis des ingénieurs (et la position du pouvoir politique de l'époque) qui voulaient le remplacer par une belle autoroute.

Au fond, le citoyen, c'est l'habitant qui comprend les enjeux de la crise écologique, et qui est capable de changer et d'adapter son comportement. Et quand tous les habitants modifient durablement et ensemble leurs comportements en trouvant collectivement les réponses, on entre réellement dans la citoyenneté, et alors, on fait de l'écologie politique.

A mon sens, il ne peut pas y avoir de développement durable sans démocratie participative.
Et c'est pour ça que je pense que renoncer à la laïcité, donc à la citoyenneté, c'est affaiblir l'écologie politique.
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